Mon cabinet médical fermera ses portes fin janvier 2016, pour bon nombre de raisons, dont certaines exprimées directement dans un courrier à notre chère ministre de la santé, Marisol Touraine

Madame la Ministre de la Santé,

C’est avec le plus grand respect que je m’adresse à vous, je suis un simple médecin généraliste rural, ayant consacré plus de dix ans de sa vie à étudier pour obtenir ce doctorat si cher à la vocation, que j’ai depuis mon enfance.
J’ai vissé ma plaque il y a 6 ans dans un village de 500 habitants, à quarante kilomètres d’un service d’urgences, après quelques années de pratique hospitalière. Ce cabinet médical représente un aboutissement professionnel, je le considère comme mon quatrième bébé. Pourtant, grâce à vous, et aussi à vos prédécesseurs, je vais bientôt dévisser cette plaque, parce que j’aime trop mon métier.
Soigner, c’est accueillir, écouter, interroger, examiner, diagnostiquer, rassurer, expliquer, traiter sans nuire, rester disponible. Pour soigner, il faut savoir s’engager, respecter, assumer ses responsabilités, être capable de discernement, et ne pas compter les heures passées auprès des malades.
Vous avez fait du médecin d’aujourd’hui un fournisseur de certificats en tout genre, afin que chacun puisse décharger sa responsabilité sur le médecin ; un agent administratif qui doit remplir à la lettre les différents formulaires (accidents de travail, protocole de soins, …), comme si on lui avait appris ; un comptable qui doit constater l’enfumage des maigres rémunérations de toutes sortes (RMT, FMT, MPA, …) en contrepartie de l’augmentation pharaonique des charges, le tout dans une cacophonie de chiffres incontrôlables ; un pion à la merci des caisses d’assurance maladie avec le fameux ROSP (rémunération aux objectifs de santé publique) amenant à une obligation de résultats et non de moyens, donc auquel on ne peut accéder qu’avec malhonnêteté ; et la liste est encore longue.
Croyez vous qu’un médecin puisse soigner sereinement des patients dans ces conditions ?
Avez-vous ne serait-ce qu’une idée, de l’engagement face à la souffrance de quelqu’un ?
J’ai déjà consacré sans regret plus de 25 ans de ma vie à la médecine française, menant de front en parallèle une vie familiale avec 3 enfants. J’ai continué et continue encore à me former, détenant une liste de diplômes témoins d’un savoir-faire, que je mets au service de mes patients chaque jour, et aussi quelques nuits et jours fériés … Et, je n’ai aucun conflit d’intérêt.
Les médecins et tous les professionnels de santé sont des humains, qui ont, eux aussi besoin au moins d’une certaine reconnaissance. Et, contrairement à ce que vous pensez, les jeunes médecins sont toujours aussi intéressés à s’installer en milieu rural, mais pas dans ces conditions.

N’ayant plus les moyens de soigner mes patients, je vais dévisser ma plaque pendant que j’en ai encore la liberté, dans cette France où vous prétendez défendre l’égalité en passant en force une loi qui amènera ses citoyens à se soigner en fonction de leurs finances, et dans laquelle vous vous évertuez à diviser les français, au lieu de cultiver la fraternité.
Je n’ai aucune illusion sur la suite que vous donnerez à cette lettre, mais il me tenait à cœur de vous l’adresser. Recevez, madame la ministre, mes respectueuses salutations.